Épisode #516: Nécessité d’un groupe Zet non mixte (témoignages de femmes)

Jérémy Royaux reçoit pour cet épisode 3 femmes membres du groupe Facebook non mixte « Zététique, Scepticisme et Féminisme ». Il s’agit de Joyce, Mélanie et Boddidi. Nous les remercions chaleureusement d’avoir accepté de témoigner ensemble pour cet épisode. Double remerciements à Bobbidi qui a remplacé Emi en dernière minute.

Au programme : une brève présentation du parcours de chacune des invitées suivie d’une discussion autours des apports positifs du scepticisme, mais aussi des problèmes rencontrés dans les principaux groupes Facebook sceptiques. Ces problèmes ont amené la création d’un groupe « non mixte ». Les invitées expliquent ce que ZSF a apporté, notamment en terme de protection par rapport aux discriminations et violences.

Voici le lien du groupe ZSF : https://www.facebook.com/groups/zsflegroupe

L’adresse du « blog » ZSF qui contient des billets intéressants et une présentation du concept du groupe : https://www.zsfblog.eu.org/vulgarisation/

Ainsi que des témoignages d’autres femmes sceptiques par rapport à leur parcours féministe (dont on a fait mention à un moment pendant l’épisode) : https://www.zsfblog.eu.org/?s=le+f%C3%A9minisme+de

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4 réponses
  1. DAR
    DAR dit :

    Après « Glace et Zététique », je poursuis avec « Nécessité d’un groupe Zet non mixte » ma découverte des néo-zététiciens « déconstruits ».

    Sur le fond, on bute toujours sur le même problème : comment peut-on en même temps continuer à s’affirmer rationaliste/sceptique scientifique et soutenir de fait le relativisme/privilégier la démarche relativiste adoptée par nombre de chercheurs-militants des SHS ?

    Lorsqu’on les écoute attentivement, ces zététiciennes néo-féministes épousent en effet elles aussi des points de vue relativistes : elles postulent plus ou moins explicitement que la vérité objective et le savoir universel n’existent pas et que donc tout n’est qu’un point de vue, une construction sociale. Ce qui passe pour objectif et universel, c’est le point de vue dominant imposé par un pouvoir blanc, mâle, occidental et colonial. Et que c’est donc un abus de pouvoir pour un homme blanc de se prononcer sur une question relative aux femmes ou aux minorités visibles (à titre d’illustration, Mélanie : « sur des sujets me concernant […], ils allaient m’apprendre à moi, femme, ce qu’étaient les règles, l’accouchement etc. » Elle se dit très déçue car elle pensait a priori qu' »ils vont être déconstruits mais, en fait, non ».).

    La possibilité d’un désaccord bienveillant et étayé est d’avance désactivée : de fait, la non-mixité protège de toute contradiction malvenue et de toutes autres « micro-agressions » (une contre-argumentation rationnelle étant déjà manifestement perçue en soi comme une micro-agression).

    Je constate un peu tristement que l’idéologie woke, actuellement à la mode, est en train de ravager aussi les organisations rationalistes, qu’on aurait pu penser prémunies contre ce genre de dérives. La contamination semble sérieuse puisque sont déjà touchés un enseignant universitaire en zététique, cofondateur du CorteX (Collectif de recherche transdisciplinaire Esprit critique & Sciences), et le président du Comité Para lui-même…

  2. Mathias
    Mathias dit :

    @D A R

    Par rapport à votre question « Comment peut-on en même temps continuer à s’affirmer rationaliste/sceptique scientifique et soutenir de fait le relativisme/privilégier la démarche relativiste adoptée par nombre de chercheurs-militants des SHS ? »
    → Déjà, cette affirmation mérite un minimum de preuves, sinon c’est simplement un acte de foi et une attaque ad hominem. Ce n’est pas parce qu’un chercheur en SHS est militant (peu importe dans quoi) qu’il ne pourra pas bien faire son travail, tout dépend de sa démarche. Le principe des SHS reste le même que les sciences appliquées : partir d’observations, émettre une ou plusieurs hypothèses, et les tester en suspendant son jugement et en les rejetant ou acceptant en fonction des résultats, peu importe si c’est ce que l’on espérait ou pas.

    Vous dites « elles postulent plus ou moins explicitement que la vérité objective et le savoir universel n’existent pas et que donc tout n’est qu’un point de vue, une construction sociale ».
    → Qu’est-ce que qui dans leur discours vous laisse penser ça ? Je crois que vous n’avez pas compris que le débat ici se concentre sur certains points en particulier, on ne parle pas de faits scientifiques, on discute de la place des femmes dans les débats dans la communauté zététique, de féminisme, etc.

    « c’est donc un abus de pouvoir pour un homme blanc de se prononcer sur une question relative aux femmes ou aux minorités visibles »
    → Je n’ai pas compris ça comme ça, mais plutôt comme le fait que l’abus vient du fait de se prononcer en ayant une certitude inébranlable simplement sur base d’une lecture d’un article ou de propos d’un spécialiste.

    « sur des sujets me concernant […], ils allaient m’apprendre à moi, femme, ce qu’étaient les règles, l’accouchement etc »
    → Je peux comprendre votre interprétation de cette phrase. Pour ma part, je pense qu’elle exprime quelque chose qui a trait au fait que pendant très longtemps, c’était un domaine de recherche et de médecine (ça l’est encore globalement) dominé par des hommes, et la meilleure preuve c’est que ça fait très peu de temps, à l’échelle de la médecine, que l’on sait ce qu’est un clitoris et quelle est sa fonction (ni vous ni moi ne l’avons vu à l’école par ailleurs je suppose). Et les violences gynécologiques et obstétricales restent une réalité dont il faut parler : https://emmaclit.com/2016/06/10/lhistoire-de-ma-copine-cecile/
    Je comprends donc ses propos comme à mettre dans ce contexte-ci.

    « de fait, la non-mixité protège de toute contradiction malvenue et de toutes autres « micro-agressions » »
    → Là-dessus je peux vous assurer que vous vous trompez, pour en avoir discuté plusieurs fois avec des membres de groupes non-mixtes. La seule chose qui change, c’est la possibilité de pouvoir s’exprimer et être entendu dans un cadre où habituellement ce n’est pas assez possible, et sur des sujets qui concernent les membres du groupe. Mais évidemment que ça n’empêche pas les désaccords, et même parfois les conflits. Mais est-ce que, si vous étiez homosexuel (par exemple) et victime d’homophobie, vous vous sentiriez à l’aise de traiter de sujets en rapport avec ça dans un groupe rempli d’hétéro qui ne peuvent pas comprendre ce que vous vivez ? L’idée n’est pas d’exclure, mais d’avoir des « safe spaces », comme chacun en a besoin pour d’autres choses.

    Pour finir, faites attention avec « l’idéologie woke » : c’est un mot souvent employé par des personnes avec une certaine idéologie aussi, et qui l’emploient pour discréditer celleux qui ne pensent pas pareil, tout comme « islamo-gauchiste » ou ce genre de termes. Ce n’est pas une maladie que de se rendre compte qu’il y a des choses qui bougent, que des minorités se font enfin entendre, et qu’on doit les écouter. Se dire homme cis hétéro n’est pas une insulte, c’est simplement se rendre compte qu’on a une position dans la société qui nous donne des privilèges par rapport à d’autres et qu’il faut le garder à l’esprit. Ça n’empêche pas de pouvoir discuter avec les autres ! Et souvenez-vous que, malgré toute l’objectivité qu’on essaie d’avoir en tant que zététiciens, on n’échappe jamais aux biais, et on a toujours des convictions et une certaine idéologie (qui n’est pas un gros mot) politique, même quand on se prétend « apolitique ». Au plus on est conscient de ses biais et convictions, au mieux, je pense, on peut mettre un contexte autour des propos qu’on tient et des opinions qu’on défend, et ainsi s’améliorer.

  3. L'équipe Scepticisme Scientifique
    L'équipe Scepticisme Scientifique dit :

    Salut DAR,

    Pour ma part je dirais que le relativisme cognitif n’est pas un tout ou rien: c’est un continuum. Il me semble que les recherches en épistémologie et en sociologie des sciences font qu’il est inévitable d’adopter un minimum de relativisme cognitif. Autrement on ne peut que nier la pertinence de ces travaux et défendre une vision idéalisée de la science. Ceci étant dit, cela ne signifie pas non plus que l’on défend les positions les plus extrêmes que l’on peut trouver dans le relativisme cognitif. Tout est une question de mesure… En gros il faut faire le tri entre ce qui est bon à prendre et ce qu’il faut jeter. Mais rejeter tout ce qui se fait en sociologie des sciences au nom du fait que ce serait « woke » me parait problématique.

    Sceptiquement vôtre,

    Jean-Michel

  4. DAR
    DAR dit :

    Hello,

    Content d’abord de lire des réactions, les commentaires s’avérant en général plutôt rares sur le site. D’un autre côté, sur un tel sujet, il m’aurait étonné qu’il n’y en ai aucune. ;)

    Mathias dit :
    Ce n’est pas parce qu’un chercheur en SHS est militant (peu importe dans quoi) qu’il ne pourra pas bien faire son travail, tout dépend de sa démarche. Le principe des SHS reste le même que les sciences appliquées : partir d’observations, émettre une ou plusieurs hypothèses, et les tester en suspendant son jugement et en les rejetant ou acceptant en fonction des résultats, peu importe si c’est ce que l’on espérait ou pas.

    => Les chercheurs-militants dont je parle ne suspendent justement pas leurs jugements moraux et leurs conclusions en sont altérées. On en trouve même maintenant qui s’en vantent. Ainsi, selon Sylvie Thénault, agrégée d’histoire et directrice de recherche au CNRS, s’exprimant à Science-Po : « Etre historien, c’est donner de la signification au passé et en proposer une vision. Une fonction de l’historien est de distinguer le vrai du faux, mais aussi le légitime de l’illégitime, les coupables des non-coupables. » Jusqu’ici, la méthodologie historique prescrivait d’éviter autant que possible les jugements de valeur anachroniques. En se faisant moraliste, la lecture historique en devient caricaturale, biaisée et malhonnête.

    Avec des historiens académiques pareils, comment contredire à présent les thèses de pseudohistoriens amateurs ? L’historien britannique Eric Hobsbawm résumait bien le problème déjà en 2004 : «  »Ma vérité est aussi valable que la tienne, quels que soient les faits. » Cet anti-universalisme séduit naturellement l’histoire des groupes identitaires dans ses différentes formes, pour qui l’objet essentiel de l’histoire n’est pas ce qui s’est passé, mais en quoi ce qui s’est passé concerne les membres d’un groupe particulier. De façon générale, ce qui compte pour ce genre d’histoire, ce n’est pas l’explication rationnelle, mais la « signification » ; non pas ce qui s’est produit, mais comment les membres d’une collectivité qui se définit contre les autres – en termes de religion, d’ethnie, de nation, de sexe, de mode de vie ou autrement – ressentent ce qui s’est passé. »

    La situation est naturellement encore pire en sociologie.

    Encore plus de nos jours, le seul critère institutionnel (« la bonne rationalité est celle des scientifiques en titre ») s’avère insuffisant. Il existe ce que je nommerais des parascientifiques académiques. Et il me semble qu’il en arrive actuellement des fournées entières parmi les jeunes chercheurs…

    Vous dites « elles postulent plus ou moins explicitement que la vérité objective et le savoir universel n’existent pas et que donc tout n’est qu’un point de vue, une construction sociale ».
    → Qu’est-ce que qui dans leur discours vous laisse penser ça ?

    => C’est déjà le présupposé obligatoire pour justifier, dans un débat d’idées, de séparer formellement les interlocuteurs selon leur identité sexuelle ou ethnique (« ce sujet je le traite comme ça [parce que je suis une femme cis blanche] mais une personne va le traiter autrement et cela ne va pas invalider ses propos » => tout se vaut au final, position typiquement relativiste).

    « sur des sujets me concernant […], ils allaient m’apprendre à moi, femme, ce qu’étaient les règles, l’accouchement etc »
    → Je peux comprendre votre interprétation de cette phrase. Pour ma part, je pense qu’elle exprime quelque chose qui a trait au fait que pendant très longtemps, c’était un domaine de recherche et de médecine (ça l’est encore globalement) dominé par des hommes, et la meilleure preuve c’est que ça fait très peu de temps, à l’échelle de la médecine, que l’on sait ce qu’est un clitoris et quelle est sa fonction (ni vous ni moi ne l’avons vu à l’école par ailleurs je suppose). Et les violences gynécologiques et obstétricales restent une réalité dont il faut parler : https://emmaclit.com/2016/06/10/lhistoire-de-ma-copine-cecile/

    => En quoi l’existence de « violences gynécologiques et obstétricales » invalide la possibilité pour un homme d’en savoir plus qu’une femme sur la physiologie féminine ? Une femme médecin spécialisée doit en savoir plus que moi sur la prostate. Et une zététicienne peut a priori aussi très bien connaître et diffuser un article de qualité sur les problèmes de prostate. Idem pour un zététicien sur des sujets « féminins ». La qualité d’un argument ne dépend pas de la personne qui l’émet. Plus généralement, je ne vois pas très bien ce que la zététique a de spécialement pertinent à dire sur une idéologie politique comme le néo-féminisme (au-delà de réfuter, rectifier ou mettre en perspective nombre de « femistats » comme pourraient/devraient le faire des vulgarisateurs scientifiques). Paradoxalement, ces zététiciennes en sont conscientes.

    « de fait, la non-mixité protège de toute contradiction malvenue et de toutes autres « micro-agressions » »
    → Là-dessus je peux vous assurer que vous vous trompez, pour en avoir discuté plusieurs fois avec des membres de groupes non-mixtes. La seule chose qui change, c’est la possibilité de pouvoir s’exprimer et être entendu dans un cadre où habituellement ce n’est pas assez possible, et sur des sujets qui concernent les membres du groupe. Mais évidemment que ça n’empêche pas les désaccords, et même parfois les conflits. Mais est-ce que, si vous étiez homosexuel (par exemple) et victime d’homophobie, vous vous sentiriez à l’aise de traiter de sujets en rapport avec ça dans un groupe rempli d’hétéro qui ne peuvent pas comprendre ce que vous vivez ? L’idée n’est pas d’exclure, mais d’avoir des « safe spaces », comme chacun en a besoin pour d’autres choses.

    => Ces membres de groupes non-mixtes peuvent dire/ressentir cela (le ressenti individuel est en quelque sorte devenu la valeur suprême dans le relativisme ambiant) mais cela les soustrait bien malgré tout en pratique à toute contre-argumentation rationnelle de fond (je doute en effet très fort que les postulats de base soient jamais remis en cause à l’intérieur de ces groupes fermés. Elles disent à plusieurs reprises ne pas avoir su répondre aux contre-arguments qui leur étaient opposés sur le groupe principal : il est facile dans ce cas de disqualifier leurs contradicteurs en les écartant comme d’affreux misogynes non déconstruits, selon le jargon actuel). C’est particulièrement problématique au sein d’un mouvement rationaliste : comment contre-argumenter face à des tenants de croyances parascientiques si les (néo)rationalistes/sceptiques scientifiques refusent un débat ouvert sur certains sujets qui leur tiennent à coeur à eux ? (Jérémy Royaux : « dès qu’on parle d’une discrimination vécue, par ex que les femmes en moyenne gagnent moins d’argent que les hommes, il va y avoir un million de personnes qui vont débarquer pour dire oui mais c’est parce que ceci, cela, et que c’est pas une discrimination [pour telles ou telles raisons]… ça a baissé mon estime et mon attachement au mouvement sceptique).

    Pour finir, faites attention avec « l’idéologie woke » : c’est un mot souvent employé par des personnes avec une certaine idéologie aussi, et qui l’emploient pour discréditer celleux qui ne pensent pas pareil, tout comme « islamo-gauchiste » ou ce genre de termes.

    => Je me doutais bien que l’utilisation du mot « woke » allait être critiquée (voire que l’on allait me rétorquer qu’il s’agit d’un phénomène inexistant). Je l’utilise pragmatiquement, en l’absence d’un terme plus adéquat/précis/faisant l’objet d’un consensus scientifique etc. (De fait, les définitions de phénomènes sociaux sont généralement assez floues.)

    Ce n’est pas une maladie que de se rendre compte qu’il y a des choses qui bougent, que des minorités se font enfin entendre, et qu’on doit les écouter.

    => Mais être indigné ne suffit toutefois pas pour avoir raison…

    JMA dit :
    Il me semble que les recherches en épistémologie et en sociologie des sciences font qu’il est inévitable d’adopter un minimum de relativisme cognitif.

    Je ne pense pas sincèrement, JM. Dans les sciences humaines et sociales, le relativisme apparaît à la fois comme une compétence professionnelle sous la forme du relativisme culturel et comme une maladie professionnelle sous la forme du relativisme cognitif.
    Le relativisme culturel ou normatif y est méthodologiquement naturel. Le chercheur doit en effet surmonter ses propres biais culturels s’il veut comprendre les comportements et croyances d’autres humains dans leurs contextes historiques, géographiques et/ou sociaux locaux. Le relativisme cognitif lui ne s’applique pas seulement aux normes régissant les sociétés humaines mais à la connaissance du monde.

    Une anecdote pour finir. J’ai lu cet été la BD « J’ai vu les soucoupes » de Sandrine Kérion, qui contient une postface de notre vieil « adversaire » relativiste postmoderne P. Lagrange. Eh bien, je suis frappé par la similarité de discours entre le R. Monvoisin de « La zététique sur une fine couche de glace » et ce nouveau P. Lagrange, qui lui aussi semble maintenant délaisser les parasciences pour le sermon politique (pro-zadistes, anti-islamophobie, néoféministe, écologiste, etc.). Un glissement convergent révélateur de temps nouveaux ?

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